JPNGAS

Le mérite, la fierté de ceci ne te revient il pas avant tout maman? (26 03 2017)

HOMMAGE À MAMAN DJEUFFA SUZANNE "MAVU": MON TÉMOIGNAGE DE REMERCIEMENT


1

Ça fera 4 ans le 30 du mois prochain que tu nous as quitté. En ce temps que nous ficelons les derniers réglages pour les

adieux, tes funérailles, commémoration qui dans la tradition Bamileké consacrera ton entrée parmi les ancêtres, je voudrais au delà de ce que tu représente et a fais pour nous, à moi que je ne saurais dénombrer ni repayer te dire merci pour toute autre chose de plus, te rendre un vibrant hommage pour cette réalisation qui se dresse à point nommé ainsi que ses corollaires et pourquoi donc après ton départ? J'aurais tant aimé le dire en chanson comme le fit Elvis Kemayou sur un sujet distinct et un contexte autre à sa mère dans son célèbre tube intitulé "Mama", Carlos K comme il le fît pour nous en date du 4/8/12 dans "Mama nga pen no" mais hélas je n'ai pas ce don là. Je ne saurais être certain que ces mots à eux seuls même s'ils étaient gravés ou écrits en lettres d'or, en Fe'fé" ou en Balengou et non dans cette langue d'emprunt que j'utilise à contrecœur suffiront ni que tu m'entendras mais ne dit on pas que les morts ne sont pas morts?


2 .


S'il y a une seule résolution que j'ai prise la veille de ton inhumation sans toutefois savoir comment je m'y prendrais, c'est-à-dire matérialiser l'écho de cette voix intérieure qui m'interpella (alors que je m'étais adossé en compagnie de mon ami Achile sur le siège du véhicule à côté de la tombe prête à t'accueillir) sans une préparation adéquate, c'est bien celle de ne pas enterrer les efforts que toi en particulier et d'autres avez déployés des décennies durant pour mettre en valeur et maintenir la parcelle sur laquelle nous nous sommes rassemblés ce jour pour la messe d'action de grâce dans le giron familial, c'est bien celle de ne pas oublier ce que tu as enduré ou trahir les vœux que tu n'avais cessé de m'exprimer au téléphone et que tu réitéra en ces lieux en 2006 lors de mon tout premier déplacement au pays après plusieurs années à l'étranger en présence de 2 de mes aînés je veux dire me voir y ériger ma case, c'est bien celle de me dire qu'on ne pouvait pas se permettre de s'arrêter en si bon chemin, contempler ou laisser le restant de ces maigres parpaings faits par tes soins périr des intempéries avec le risque de rendre indigne le nom que je porte.


3


Comment pouvais je oublier cette scène dans la plantation familiale, la lueur dans tes yeux, la joie qui t'emporta au point où tu t'enroula à même le sol là où tu cultivais ce jour là? Nous pensions en s'avançant subrepticement vers toi en file indienne que ce n'est que tout près que tu reconnaîtra celui qui fermait la queue mais tu avais pu m'identifier dans le pénombre et cela en dépit de la distance. Tu revoyais ce jour là en chair et en os devant toi à Pouchii, flanqué des aînés le fils parti, celui là que tu t'étais habitué à n'entendre que la voix, recevoir de ses nouvelles et autres...


4


Nonobstant l'infirmité de son poids dans mon élan, je ne peux manquer de t'avouer, de relever sans toutefois m'éloigner de ce témoignage de remerciement qu'a également traversé mes pensées la question de savoir si l'homme au lieu de faire ce que lui accorde la grâce, ce que lui commande son moi intérieur devrait savoir d'avance, supposer ou estimer combien de jours, de semaines ou d'années il pourra habiter une demeure pour l'ériger? s'il jouira d'une œuvre pour y travailler? Je n'ai pas résisté non plus de me demander si les astres, les médiums pouvaient pertinemment situer l'être sur le temps de son souffle, de sa durée de vie, ne serions nous pas au delà de l'impératif qu'est s'abriter, d'en laisser à la progéniture et à la prospérité quand on le veut et qu'on le peut moins nombreux à s'engager à construire mais plus prompt à vivre à fond le présent, plus dépensier sur le court terme et moins prévoyant? Je n'ai pas pu m'abstenir à la suite de m'interroger si l'homme devrait avoir de la lisibilité, supposer ou imaginer ce qui pourra advenir d'une œuvre en son absence, après soi avec ou sans volontés exprimées pour projeter, l'initier, l'élever ou pas?


5


Ton interpellation, ton souhait en dépit de ce questionnement n'est pas resté vain Maman Suzanne, il a même plus raisonné après ton départ que de ton vivant, et comme cela ne suffisait pas, lors de mon passage à la chefferie au lendemain de tes obsèques, le Roi m'exhorta en convoyant le message via un de ses notables comme si tu t'étais confié à lui qu'il fallait que j'y construise avant tes funérailles sans oublier également que quelques mois avant ton décès j'avais reçu un coup de fil à Londres de lui personnellement en réaction à notre entretien du 11/8/12 pour le même sujet. Oui Mavu, de ton vivant, c'est vrai qu'il y avait eu de ma part de l'attentisme, de la tergiversation, des atermoiements, qu'à chaque moment que tu me mettais la pression pour élever quelque chose sur ces terres quoique le parent de part ma philosophie de vie soit sacré, je ne cessais de te dire qu'il faille finir avec ce que j'ai sous la main c'est à dire mettre l'argent sur quelque chose pouvant générer des revenus et profits car une case au village c'est pas un investissement...et que c'est les entrées d'une construction rentable qui y seront injectés un de ces jours mais tout cela sans compter que ta mort va me parler, me fixer, me précipiter quand bien même je me relevais à peine dune pente plus due à notre mariage un an plus tôt et que de ce fait je me mettrais aux fours après la phase des préliminaires, presque 4 mois après ton dernier soupir.


6


Je m'incline et avoue maman qu'on se dit très souvent toujours jeune, qu'on pense la plupart du temps avoir toute l'éternité devant soi et d'être à même de pouvoir exercer un contrôle sur le temps qui s'égrène. Il est vrai que ton calendrier n'épousais pas le mien, que j'avais fais une très mauvaise appréciation des enjeux quand ta pression sur moi était à son comble. Une relecture de la situation m'a fait conclure que si j'y suis, c'est que ton voeu portait à n'en ne point douter le sceau divin car Il a fallu à un moment donné alors que les grands travaux de ce que tu nourrissais s'étaient matérialisés et les finissions entamées, qu'il y ait des malentendus comme ça n'en manque jamais entre les humains ou dans une famille pour que le doyen, celui à qui tu as confié le soin de continuer à guider nos pas nous relate qu'un de ces jours, le désespoir t'avais conduit à le lui proposer, que j'apprenne de celui qui a autorité parmi les tiens et qui de part le droit qui lui revient a conforté, renforcé ta volonté sans manquer d'accompagner tout le long mon entreprise que pour éviter de perdre le lopin, il avait même été emmené à le proposer gratuitement à un frère de la famille à qui l'affaire d'une parcelle conclue tout près ne s'était plus bien soldée...


7


En passant en revue les évènements, tes photos au cours de ces derniers mois, mon regard s'est arrêté intensément sur ta dernière prise de vue datant du 11/8/12 faite par mes soins, sur ta posture, cette image qui me rappelle notre dernier tête à tête avec femme et enfants à mes côtés, qui me rappelle cette berline dont le fruit de sa vente a été un apport décisif au point de ne plus regretter l'absence de son service. Pourquoi t'avais je filmé à cet endroit, à ce moment précis et vers cette direction là alors que ta concession se trouve sur l'autre versant? Après une approche en termes d'analyse, de décryptage et d'interprétation, je me pose toujours la question de savoir si ce qui y apparaît en toile de fond de façon anodin n'incarne pas, ne traduit pas dans une certaine mesure ce que tu attendais de moi, ce que tu nourrissais? N'était-ce pas un reflet, un message autrement véhiculé? Marquais tu ainsi ta résistance, ta désapprobation, une démarcation avec la démarche dont j'essayais plutôt de t'y entrainer à contrecœur? L'idée que j'essayais plutôt de te vendre en nous faisant accompagné par toi voir l'autorité traditionnelle?... Est ce mon imagination qui me joue plutôt des détours?


8


Il a fallu durant ces 4 dernières années, méditer, juguler des tensions, consentir des sacrifices, affronter des challenges, subir des frustrations, des déconvenues, faire des courbettes et surtout, revoir l'ordre des priorités quand bien même faire la part des choses est l'un de mes crédos et pour cela, faire fi des fois des grincements de dents, des froncements de sils et sourcils de ceux et celles qui se refusaient un minimum de compréhension sur mon leitmotiv et mon incapacité d'être à tout temps ou pas du tout sur certains fronts comme par le passé, encaisser et essuyer des critiques mais quoique entamé à postériori, nous y sommes presque enfin parceque en t'ayant en esprit tout en demandant au tout puissant, la force et la foi ont toujours été jusqu'ici au rendez-vous pour dompter les estimations, les devis d'une étape à l'autre sans avoir la certitude de quoi sera le lendemain, et faire abstraction du nombre de sacs de ciments et de bars de fers engloutis en dépit du coût élevé des matériaux ici comparativement à Douala par exemple...


9


Oui Maman le chemin n'a pas été une entreprise de tout repos. Les anecdotes qu'on pourrait relever à chaque étapes sont nombreuses, succulentes, épicées, lamentables les unes les autres, pleines d'enseignements mais je m'en tiendrais à quelques morceaux choisis du moins pour ce que je peux me permettre d'évoquer ou mettre quasiment dans le domaine publique. J'ai dû invoqué ton nom en partance pour Douala en début septembre 2013, mentir aux agents qui tenaient à me déplumer malgré le dossier en ordre que nous sortons de ton enterrement avec le soutien des 4 autres avec qui nous revenions du chantier à la fin de la 1ère étape des travaux pour me tirer des griffes du contrôle routier à la sortie de Bafang alors que je n'avais plus en ma possession que les frais de péage et un dernier cinq milles francs pour les urgences que j'ai pu extraire du distributeur. C'est ce livreur de sable véreux qui empoche l'argent de deux camions mais nous déverse délibérément du sable de mauvaise qualité qui a fini par ne presque servir à rien parce qu'il savait que nous n'y serions pas au moment de la livraison. C'est ce contractant Lamda qui auto détruit son image, la considération cultivée toute une vie de lui par le maître d'ouvrage, remet en cause ses propres dires, foule au pied la confiance, l'agrément convenu d'un commun accord avec le maître d'œuvre, multiplie les stratagèmes, fait des menaces sans vergogne pour extorquer au maximum, prendre indûment. C'est cet autre contractant qui abusant de la familiarité encaisse jusqu'au 4/6 de sa paye, n'avance, n'exécute son travail qu'au 2/6 et abandonne le chantier en débitant des prétextes, en créant un malaise entre nous... C'est cet individu X qui délaisse les champs, l'espace vert du pourtour et dans les alentours pour déféquer dans le chantier en construction en l'absence des ouvriers mais c'est aussi ces plats aux mets bio, ce hérisson, ces bidons de vin de raphia offerts gracieusement par tes amies, les voisins, mes amis et nos connaissances communes, c'est nos commentaires en rappel du passé de ces lieux durant les visites, ton opiniâtreté, ton abnégation, tes faits d'armes conté par eux que je ne peux me permettre de passer sous silence ou oublier...


10


Le jour viendra maman où tout ne sera plus que souvenirs lointains même si les photos et les notes de mon journal me rappèleront l'économie de l'évolution des travaux conduit par mon aîné dès ce fameux 2 août 2013, de mes vas et viens matin soir à Bana pour amener et ramener la main d'œuvre en renfort, les ampoules sur les pommes de mains du fait de l'abattage, du fait du terrassement et diverses tâches pour encourager et accompagner, la visite des enfants et leur envie de s'occuper, de s'affairer derrières les brouettes et pousser la terre comme les autres juste avant le début de leur scolarité à Buea, au pays natal comme tu le souhaitais, l'utilisation des torches pour ne pas perdre le dernier mortier, la restauration aux choix limités sur place ou au carrefour Pachi, les innombrables coups de fil, les prises de vues envoyées via e-mail et les échanges via gsm, WhatsApp pour m'enquérir des états et faire des observations ou des recommandations depuis mon lieu de résidence. Il en sera également des transferts de la livre sterling gagné âprement sous la neige et des crédits de communication, les matériaux acquis et acheminés depuis l'Angleterre mais surtout les congés réglementaires très souvent outrepassés et déplacements en solitaire, sans repos et sans répit au point d'heurter l'équilibre du ménage et vexer certaines relations sur place au pays de part mon indisponibilité à trouver des fois l'occasion de les rendre visite ou trinquer avec eux à chaque voyage à cause de l'absorption...


11


Je dois t'avouer par dessus tout que mes voyages de ces années de travaux ont été une très grande école en addition de ce que j'ai vu et appris dans d'autres contrées à l'intérieur ou à l'extérieur du triangle national, un vrai retour aux sources du moins sur les terres ancestrales sans mesure commune avec d'autres. Oui maman, j'ai pu voir les prémices, j'ai palpé ce qu'une autre cohabitation pourra être. D'aucuns m'ont mis de la baume au cœur et ont démontré que la fraternité que nous n'apprécions parfois mieux qu'étant loin de nos amours même si elle ploie de plus en plus sous le poids des influences diverses et plus particulièrement d'une certaine européanisation effrénée de notre société qu'il faut pourfendre garde encore de beaux jours devant elle dans nos villages. Mes nombreux tours m'ont notamment permis de renouer plus longuement que par le passé avec l'intimité de la maison familiale, de raffermir les liens sur place, de me re-approprier et de renforcer la fibre avec la terre de mes premiers pas et il convient par ricochet de souligner que j'ai plus de raisons aujourd'hui que hier de plus vivre ce village, intéresser d'avantage et au plus haut point mes rejetons, plus pressé d'y retourner s'il plaît à Dieu bien avant même l'âge de faire valoir mes droits à la retraite, y recevoir des petits-enfants, y créer une activité ainsi que doubler mes efforts et modestes contributions pour son bien être et son développement.


12


Ne pouvant lire dans une boule de Crystal, les chemins de Dieu étant parfois insondables, rien ne me permets d'affirmer avec autorité ou de penser que j'aurais fais plus de pas, mieux prospéré depuis lors sans ce chantier. En prenant du recul aujourd'hui, je doute fort que même les retombées provenant de mon refrain c'est à dire l'investissement doublée d'une meilleure préparation sans ta main invisible, ton accompagnement spirituel tout au long m'auraient poussé d'arriver jusqu'à ces dimensions ou permis de faire mieux que ce qui surplombe cette pente. Ce n'est que du matériel après tout, la résultante de ce qui aurait aussi pu aller en somme ou partie dans les sollicitations, les voyages, les plaisirs et les détentes mais le toit en toute humilité, au delà d'être un abri, voire de ses fonctions sociales traditionnelles est et reste sur le plan temporel et même intemporel dans une certaine mesure, un ancrage qui a une place prépondérante dans la société Bamileké d'hier et d'aujourd'hui car il constitue surtout un élément d'existence et d'identité, d'appartenance et d'attache à une famille, une concession, d'allégeance et de loyauté à une terre, un royaume, un symbole d'émancipation, de maturité et d'indépendance... et celui ci suscite à bien d'égards curiosité, admiration, dédain... Il apporte pour dire juste, de l'avis des uns non seulement à présent un petit plus dans le paysage de ce coin de Pouchii, est sans orgueil aux côtés des autres une œuvre d'émulation et de stimulation mais est aussi vu par d'autres comme une démesure, un gaspillage, un signe de prétention. Certains voient en ça également une expression, un indice d'aisance, d'opulence réelle ou supposée. Dans ce monde que tu as laissé derrière toi, même s'il y en a qui savent que tout est relatif, comprennent vraiment à quoi ça rime, de ce que ça retourne, il est clair et certain que le genre humain va et y ira toujours de son opinion comme ça a été le cas dès les premiers parpaings, comme il en est sur plein de sujets de ce bas monde et ainsi va la vie.


13


Tout en remerciant de tout cœur toutes les personnes qui ont joué un rôle de près ou de loin et en particulier; Sa Majesté Ngako Sebastien Gustave Roi des Bakassa pour son onction, sa descente sur le terrain et ses encouragements, Eveline mon épouse pour les appuis, mes aînés Maman Elisabeth, Wambé et Tagni, mon oncle/ton cadet Papa Nana, mon tuteur Papa Jo, mes cadets Patrick et Pierre pour leurs efforts multiformes, Papa Jean Djeuffa, Pierre Tchouassi, Jean Claude DAMENI et mes amis Emmanuel, Achile, Modeste, JB... pour leurs encouragements et conseils, il convient de souligner que tu es et restera avant tout l'inspiratrice, l'architecte, le financier spirituel de ce chantier. Depuis l'au delà, tu peux te réjouir et même t'enorgueillir maman. Je ne saurais évoquer à tes petits enfants ce que tu as laissé à la prospérité à mon sens sans pointer, louer tes efforts pour sa matérialisation. La semence constituée par tes soins, tes efforts inlassables vus sous l'angle de ta situation, de la perspective de ta condition se hissent selon ma perception au même piédestal qu'un patrimoine qu'on doit seulement cueillir les fruits sans avoir labouré ou sans y avoir apporté une plus-value substantielle, ils ont valeur de dividendes qu'on doit tout simplement jouir. Si la germination de l'âme de ce chantier a proprement eu lieu lors de notre séparation physique (11/5/13), a fait pas avec la demande faite avant les fouilles aux vrais propriétaires que sont les seigneurs de la terre, la bénédiction familiale et religieuse par l'Abbé Kamlo ce jour, elle se renforcera d'avantage le week-end du 8/9 avril et grandira avec ta memoire. Le toit n'a pas encore tous ses attributs mais la vie y prend pied. Pas à pas, il ne tardera pas à devenir une maison, un foyer et entrera véritablement en service ces jours en permettant à Eveline et moi d'abriter en ton souvenir, en ta mémoire avec ndedap^ et pfue-kan* ceux et celles qui avaient de l'estime pour toi ou qui nous témoignerons de leur amitié à tes funérailles... D'aucuns qui y seront ne sauront peut-être jamais qu'à l'époque c'était un champ de café et que nous y cultivions des arachides, ignames et légumes, qu'il a même momentanément servi comme terrain de foot aux tous petits...J'ai toujours soupçonné tes raisons et motivations, quelques évocations de ce que je crois ne transpirent elles pas d'ailleurs ici? Je peux toujours spéculer mais je ne saurais jamais peut être pas pour sûr pourquoi de nous tous, c'est sur moi que tu avais jeté à tord ou à raison ton dévolu à propos. Dans tous les cas, une sagesse n'enseigne t elle pas que plus ancien voit assis ce qu'un jeune débout ou même perché sur un cocotier ne peut voir?


14


Prière Mavu^* de continuer à inspirer, de veiller sur nous et puisse t on y trouver une paix intérieure, sécréter les plus beaux rêves à chaque instant de la vie lorsqu'on y est. Telle une bouteille jetée à la mer, puisse t il une portion de ces terres accueillir un de ces jours nos sépultures, une des pièces de la concession nos reliques d'après nos us et coutumes et cette demeure être un repère, un refuge face aux orages et tempêtes, le lien ombilical pour nos rejetons qui sont là pour la circonstance ainsi que leur descendance et qu'à jamais, ils soient dignes, sachent la pérenniser avec un degré de détachement, de distanciation à la chose matérielle mais aussi tout en n'oubliant pas ce qu'à été le chemin jusqu'ici car c'est bien toi à travers ces murs même si c'est mes empreintes qu'ils révèlent. Qu'ils se rappellent toujours que "quand on sait là où on vient, on sait là où on va" et la mobilité sans référentiels, la citoyenneté plurielle sans souche, sans connection, communion avec ses racines et communication avec ses aïeux, sans boussole peut éloigner, déculturer, dépersonnaliser, ôter les bénédictions, désorienter et perdre. Qu'il reste inscrit dans leur subconscient qu'un être peut même avoir plus d'un toits dans des localités ou positions prisées mais ils n'ont jamais la même place ou la même histoire et l'histoire de ce lieu, ce symbole de mémoire, d'amour maternel à Bakassa qui n'aura pas de prix à mes yeux est particulier. Quelque soit ce qui y est allé, cela peut il d'ailleurs faire le poids s'il advenait que cette demeure concoure aux générations à répondre à la question de qui suis je? Qu'on peut même être citoyen du monde, avoir plusieurs centres de gravité mais d'ici dans son cœur, de cette adresse dans son âme?


15


Je pouvais trouver plus accessible et mieux desservi, acquérir plus meilleur emplacement pour construire mais non seulement cela n'aurait jamais été ce procédant de toi mais y aurais je été en adéquation? Qu'aurait dit ma conscience ce juge intrépide? Aurais je été éligible, fondé, justifié ou enthousiasmé à te solliciter après si mon instinct s'était réfracté après que tu aies rendu l'âme? Aurais je pu continuer à trouver grâce à tes yeux si l'énergie avait été investie ailleurs, l'accent mis sur l'engrangement et le péril en demeure laissé sans suite? Au crépuscule de ma vie, le temps des comptes et décomptes m'épargnera certes de ces questions cependant, j'ose croire que tu n'ignoreras pas que cette "case" que tu as souhaité voir debout de par mes mains, ce toit qui valorise à plus d'un titre ce legs chargé de souvenirs, cette résidence en ce lieu qui fut objet de velléités et qui transpire ta personne et celle de bien d'autres dans la lignée ne saurait être une fin en soi et que tu véhiculera toujours à coup sûr nos préoccupations, nos doléances et intercédera auprès du Si afin qu'il continue à pourvoir pour nous.


16


Puisse t il tous ceux qui se déplaceront à cette commémoration faire un bon voyage aller comme retour. Le questionnement sur la vie et la mort que l'occasion amènera inéluctablement en surface, l'amertume qui envahira, ce sanglot qu'on étouffera, cette larme qui coulera encore pour Mavu ne sera t elle pas aussi pour tous nos biens aimés qui ne sont plus des nôtres? Ne sommes nous pas aussi entrain de faire notre deuil chaque fois que nous pleurons un être cher?


Qu'au delà du rituel, des lamentations, du folklore, du festif que ce temps soit avant tout pour la famille en particulier, un moment pour refléter, un instant de communion, que nous marchons main dans la main comme ce jour dans les pas de tes dernières recommandations et que la flamme de ta mémoire s'allume, s'enracine et s'élève à jamais. À moins de ne pas s'assumer ou être amnésique, la jeune génération pourra t elle demain quand le temps arrivera pour eux aussi de prendre leurs responsabilités dire que le chemin ne leur a pas été montré? Que la symbolique de cet adieu qui prend corps ne leur pas été transmise?


17


Que le très haut pardonne une fois de plus tes égarements et t'accorde une place de choix dans l'au-delà. Bon voyage au pays des ancêtres. Adieux Mavu.


Jean Pascal NGASSEU


26 Mars 2017 Pouchii à Bakassa, dans le Haut-Nkam, Région de l'Ouest, Cameroun


(c) Trous droits réservés


NB

Le numéro du paragraphe est tout simplement désigné à situer le lecteur.


LEXIQUE

^ndedap: jujube utilisé pour la bénédiction

*pfue-kan: arbre de la paix

^*Mavu: Petit nom sous lequel Maman Djeufa Suzanne était plus connu parmi les siens. Le patronyme Mavu désigne en fait les mères porteuses de nouveaux nés ou qui allaitent.

"Fe'fe': Langue parlée à Bafang et dans le Haut-Nkam (Région de l'Ouest - Cameroun) en général